- Monsieur le général de brigade, chef d’état-major de l’Armée de terre ;
- Monsieur le contre-amiral, chef d’état-major de la Marine nationale ;
- Monsieur le général de brigade aérienne, chef d’état-major de l’Armée de l’air ;
- Messieurs les Directeurs de services ;
- Messieurs les Sous-chefs LOG, OPS et RENS ;
- Monsieur le colonel, Commandant la Zone militaire n°7 ;
- Monsieur le chef de bataillon, commandant les Forces spéciales terre ;
- Messieurs les commandants de formation de la ZM7 ;
- Messieurs les Officiers, sous-officiers, officiers mariniers et opérateurs des forces spéciales Terre, Air et Mer ;
- Honorables invités en vos titres et qualités respectifs ;
Il m’échoit aujourd’hui l’honneur et le privilège de présider cette cérémonie de remise de bérets, marquant un tournant décisif dans la vie des forces spéciales sénégalaises. Au-delà de la symbolique, l’attribution d’une nouvelle coiffe vise également à magnifier l’importance des traditions militaires, qui participent à forger la cohésion et l’esprit de corps dont les unités d’élite, attachées aux valeurs de fraternité, de solidarité et de sacrifice, sont souvent l’expression la plus achevée.
Officiers, sous-officiers et opérateurs des Forces spéciales,
Malgré la relative jeunesse de vos unités, 13 ans pour les FS Terre et 5 ans pour les FSA/FSM, vous pouvez vous enorgueillir d’une véritable histoire puisant ses origines à la création même des Forces armées. En effet, dès les premières années de la jeune nation sénégalaise, des unités d’élite de commandos légers ont été régulièrement mis sur pied pour répondre ponctuellement aux besoins des autorités de l’époque. C’est ainsi que quelques années après la mise sur pied d’une section anti-terroriste (SAT), les premières cellules de Commandos de recherche et d’action dans la profondeur (CRAP) ont été créés au sein des bataillons de parachutistes et de commandos.
Opérateurs des forces spéciales de l’Armée de terre, vous allez désormais porter un béret rouge-sang orné d’un macaron représentant un cobra en position d’attaque, symbole de votre agressivité maitrisée et de la furtivité de vos actions, broché d’un poignard haut en garde dorée, le tout encadré d’une tresse de laurier, évoquant la recherche permanente de la victoire des armées du Sénégal.
Vous aurez naturellement compris l’évocation du Commando spécial de reconnaissance et d’investigation, plus connu sous son acronyme COSRI, et l’adaptation qui est faite de son insigne de béret.
Le COSRI !!! Il n’est pas facile de parler d’histoire pour les FS sénégalaises sans accepter de confronter nos vieux démons, et pourtant, il est indispensable de le faire. Cette défunte unité, née au milieu des années 90 au moment où le conflit en Casamance prenait une tournure particulièrement difficile pour les armées sénégalaises, fut en réalité la première véritable construction de forces spéciales dans notre institution. Sa disparition tragique ne doit pas être un motif de découragement ou de désespoir, mais plutôt source d’inspiration et de persévérance.
Le choix de faire renaitre de ses cendres, cette glorieuse unité, n’est en effet pas anodin. Il doit vous pousser à vous interroger, à comprendre, à décrire et à faire vivre les traditions de vos entités respectives, non seulement en vertu de leur indéniable qualité, mais surtout pour rappeler leur sens profond. Car, comme l’a résumé Jean Jaurès : « la tradition ne consiste pas à conserver des cendres, mais bien à entretenir une flamme ».
Les traditions militaires sont un legs de la longue histoire de notre pays, de ses royaumes anciens, et de notre armée. Comme d’autres éléments de notre patrimoine, elles sont celles de tout un peuple et de son histoire. Les chants diola, peuhl, sérère, mandingue, wolof et autres, qui rythment au quotidien la vie de nos unités en sont les parfaites illustrations. Ici aux forces spéciales plus qu’ailleurs, les traditions sont un puissant facteur d’efficacité opérationnelle, car elles invitent au dépassement de soi au service du Sénégal. Elles sont un instrument de cohésion et d’intégration, car unissant entre eux des soldats d’origines sociales, de religions et de cultures diverses, mais qui partagent le même engagement, volontaire et exigeant, sous le même béret rouge-sang et le même drapeau.
Ces traditions, que je vous exhorte fortement à entretenir, sont le ferment d’un lien entre génération, car elles vous lient dans une chaine invisible non seulement à ceux qui vous ont précédés, mais également à ceux qui vous suivront. Ainsi, le respect de l’héritage reçu s’allie au souci de l’héritage d’excellence à transmettre.
A ce propos, je citerai le général d’armée Jean-Pierre BOSSER, ancien Chef d’état-major de l’Armée de terre française, selon qui : « les traditions militaires sont une part de notre âme de soldat et de notre esprit guerrier. »
Cette tradition guerrière des unités d’élites embrasse l’ensemble des champs physiques, intellectuels et psychologiques. Elle doit être la trame qui irrigue la formation, l’entrainement, et l’engagement du jeune opérateur à l’officier expérimenté en état-major. Volontairement, j’ai fait allusion aux officiers du futur commandement des opérations spéciales (COS) en tant qu’officiers des forces spéciales en état-major, et non des officiers d’état-major. Cet état d’esprit guerrier doit être diffusé et entretenu par le commandement et les cadres de contact, en opérations comme au quartier, dans l’instruction et l’éducation de leurs subordonnés.
Avoir des traditions est donc une richesse qui comporte des devoirs et des charges. Le premier de ces devoirs, c’est naturellement de les faire fructifier, de les faire valoir, pour faire d’un socle le point de départ d’une nouvelle aventure. Ces bérets rouges tant attendus, doivent désormais être un point de repère et servir de ralliement à tous les militaires sénégalais en quête d’excellence. Désormais, vous avez l’obligation, en coiffant ces bérets, de transcender les débats futiles de concurrence malsaine.
Le deuxième de ces devoirs est de savoir les adapter en faisant montre d’intelligence de situation. Les traditions militaires, loin d’être des vestiges ossifiés du passé, se doivent d’être vivantes. Elles doivent s’enrichir en même temps que les Armées évoluent, pour répondre aux mutations du monde qui nous environne. Partout dans le monde, les forces spéciales sont de formidables laboratoires d’innovation technique et tactique. Soyez innovants et entreprenants, et n’hésitez pas à partager vos expériences et votre expertise avec vos unités sœurs, car au final, la générosité est source d’excellence. L’excellence reste la meilleure gageure de la performance, cap sur lequel j’ai voulu vous placer à l’entame de mon commandement à la tête des Armées.
Enfin, le troisième devoir consiste naturellement à placer vos traditions au service de l’honneur. Enracinées dans une culture guerrière sénégalaise pétrie de Jom (dignité) et de Fit (courage), vos traditions ne doivent être ni esclaves d’un mythe, ni prétexte à avilir ou à exclure. Elles sont au service de l’homme, et doivent toujours chercher à le grandir.
Mon commandant, messieurs les officiers, sous officiers et opérateurs des forces spéciales, portez fièrement ce béret, symbole des traditions et vertus guerrières dont je vous confie la garde, et allez toujours « Au-delà du possible ».
On nous tue, on ne nous déshonore pas !